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Bonjour, PROBLÈMES DE SÉCURITÉ
DANS UN NOUVEL ORDRE MONDIAL
par
Lawrence J. KORB (*)
Pendant la Guerre froide, les Etats-Unis et l’Europe considéraient que
l’expansionnisme de l’Union soviétique constituait la menace la plus importante
à leur paix et leur sécurité. Cette vue partagée sur la nécessité de
contenir l’URSS a permis au partenariat transatlantique de rester viable et
fort pendant près de cinquante ans. Néanmoins, cette convergence ne doit
pas occulter les différences profondes qui ont existé entre les Etats-Unis et
l’Europe, y compris sur la manière de contenir l’URSS. Durant les cinquante
années de la Guerre froide, ces différences se sont retrouvées dans
un certain nombre de domaines.
De nombreux gouvernements européens ont été en désaccord avec les
Etats-Unis sur des problèmes tels que la politique américaine envers la
Chine et Cuba, la guerre contre le Vietnam, la réticence des Etats-Unis à
partager la technologie des armes nucléaires avec les autres membres de
l’Alliance, les invasions américaines de la République Dominicaine en 1966
et de Grenade en 1983, le soutien aux Contras au Nicaragua et l’Initiative
de Défense Stratégique (IDS) du Président Reagan. Les Européens se sont
également posé la question de savoir si les Etats-Unis étaient prêts à risquer
l’anéantissement de villes américaines pour empêcher l’attaque des capitales
d’Europe de l’Ouest. Pour sa part, le gouvernement américain s’est opposé
à l’invasion franco-anglaise du Suez en 1956, à l’Ostpolitik allemande ou à
l’accord entre l’URSS et les gouvernements d’Europe de l’Ouest sur un
gazoduc entre la Russie et l’Europe occidentale. De plus, des proportions
importantes de la population, aux Etats-Unis comme en Europe, ont
approuvé les positions des gouvernements européens : ainsi, des milliers
d’Européens et d’Américains sont descendus dans la rue, dans leurs propres
pays, pour protester contre le rôle de l’Amérique dans la guerre du Vietnam,
ainsi que contre les projets du gouvernement Reagan pour introduire les
missiles Pershing et Cruise en Europe.
Les gouvernements européens n’ont cependant pas toujours été tous unanimes
sur ces problèmes. De manière générale, les Britanniques ont été plus
proches des Etats-Unis, tandis que les Français ont eu plus de difficultés
(*) Council on Foreign Relations (Washington).
avec certaines positions américaines. La France a d’ailleurs quitté la structure
militaire de l’OTAN en 1966 à cause de divergences avec les Etats-Unis
quant au rôle du désarmement nucléaire et du recours à la force. Quant aux
Allemands et aux pays plus petits, ils se sont habituellement rangés quelque
part entre les positions respectives de la France et de la Grande-Bretagne.
Dans la première décennie qui a suivi la fin de la Guerre froide, il est
apparu que les Etats-Unis et l’Europe avaient des vues différentes sur les
principaux problèmes de sécurité concernant l’Occident, ainsi que sur la
manière de les traiter. Les Etats-Unis pensaient que ces problèmes proviendraient
des « Etats-voyous », c’est-à-dire l’Iran, l’Iraq, la Syrie, la Libye,
Cuba et la Corée du Nord et, afin d’y remédier, ont développé une stratégie
de double containment régional (MRC) et maintenu un budget élevé de
dépenses militaires : ainsi, pendant les années 1990, les dépenses des Etats-
Unis pour la défense se sont élevées, en termes réels, à 85 % de leur niveau
de la Guerre froide et le Président Clinton a quitté ses fonctions avec un
budget de la défense dépassant en termes réels celui des Présidents Nixon,
Ford ou Carter.
Les Européens croyaient quant à eux que le principal problème de sécurité
venait d’Etats « faillis » comme la Yougoslavie et de désastres humanitaires
comme ceux qu’a connus le Rwanda. En conséquence, ils ont regimbé
contre la mauvaise volonté des Etats-Unis de s’impliquer dans ces situations
et contre la réticence américaine à voir les Nations Unies prendre des
mesures appropriées. En 1995, la passivité des Etats-Unis a rendu le Président
Jacques Chirac tellement amer qu’il déclara que le poste de dirigeant
mondial était vacant. Alors que le budget militaire des Etats-Unis est resté
approximativement à un niveau de Guerre froide, les gouvernements européens
ont laissé chuter leurs dépenses dans ce secteur : à la fin des
années 1990, le budget de la défense aux Etats-Unis représentait environ le
double des budgets de tous les gouvernements européens réunis.
Néanmoins, dans cette première décennie post-Guerre froide, les Etats-
Unis et l’Europe ont relativement bien travaillé pour gérer les crises internationales.
Pendant le printemps et l’été 1995, quand les Serbes ont pris en
otage des soldats des Nations Unies et ont commis des atrocités contre les
civils à Srebrenica, Américains et Européens ont agi ensemble pour créer la
force militaire (IFOR puis SFOR) qui est intervenue en Bosnie. Au demeurant,
les Européens ont fourni plus de personnel militaire à l’IFOR et à la
SFOR que les Etats-Unis.
De la même manière, les Etats-Unis et l’Europe ont travaillé ensemble à
l’élargissement de l’OTAN en admettant trois pays en 1999 (Hongrie,
Pologne et République Tchèque). En mars 1999, l’OTAN a mené avec
succès une campagne aérienne qui a empêché les Serbes de procéder au nettoyage
ethnique du Kosovo, puis a envoyé une force terrestre (KFOR) pour
protéger cette province : si les Etats-Unis ont joué un rôle prépondérant
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 199
dans la guerre aérienne contre le Kosovo, les Européens ont fourni la plupart
des forces terrestres qui stationnent encore dans la zone et ont en outre
assumé la responsabilité d’assurer la sécurité des secteurs les plus dangereux
du Kosovo.
Le gouvernement Bush et l’Europe
Depuis l’arrivée du gouvernement Bush à Washington, les relations entre
l’Europe et les Etats-Unis se sont détériorées rapidement. Robert Kagan,
défenseur de la politique étrangère du gouvernement Bush (1), a souligné
combien, dès qu’il s’agissait de traiter avec l’Europe, le gouvernement faisait
preuve d’une grande susceptibilité. La vraie question est de savoir si la
détérioration des relations américano-européennes est le fruit de l’attitude
et des actions d’un gouvernement particulier ou si elle est le résultat d’une
divergence profonde entre les deux côtés de l’Atlantique quant au moyen de
faire face aux menaces actuelles contre la sécurité.
Les relations entre le gouvernement Bush et l’Europe peuvent être divisées
en trois phases : la première a duré de l’entrée en fonction de Bush en
janvier 2001 aux événements tragiques du 11 septembre de la même année;
la deuxième s’étend du 11 septembre à la fin 2001; la troisième a débuté en
2002 et dure encore.
Durant la première phase, le message du gouvernement Bush était : « vous
avez besoin de nous, plus que nous n’avons besoin de vous » (2). L’idée qui en
découlait était que les Etats-Unis ne poursuivraient que leurs intérêts
propres : si les Européens voulaient se joindre à eux, les Etats-Unis continueraient
à faire ce qu’ils avaient à faire de façon multilatérale. Richard
Haas, le directeur du Policy Planning, a dénommé cette approche « le multilatéralisme
à la carte ». Les Etats-Unis ont par ailleurs averti les Européens
que s’ils ne pensaient pas comme eux, eux continueraient d’agir seuls,
sachant qu’ils possèdent suffisamment de puissance économique et militaire
pour atteindre des objectifs de façon unilatérale.
Pendant cette première phase, le gouvernement Bush a rejeté cinq traités
dans plusieurs domaines : du réchauffement de la planète au trafic mondial
d’armes légères, en passant par le projet de Cour Pénale Internationale. De
plus, il a mis à mal, mis de côté, bloqué, voire sapé plusieurs initiatives dans
le domaine du désarmement et de l’arms control. Ainsi, le nouveau Président
ne s’est pas contenté de montrer qu’il chercherait à développer un système
robuste de missiles balistiques de défense, sans se soucier des contraintes du
Traité ABM ni des traités sur l’espace : il a aussi affirmé qu’il ne soumet-
200 lawrence j. korb
(1) Robert Kagan, « Power and Weakness », Policy Review, juin-juillet 2002, pp. 3-28.
(2) Pour une analyse complète de cette citation, cf. Lawrence J. Korb/Alex Tiersky, « The End of Unilateralism?
Arms Control after September 11 », Arms Control Today, octobre 2001, pp. 3-7.
trait pas le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBT) au
Sénat pour ratification, qu’il ne s’engagerait pas à ne plus conduire d’essais
nucléaires à l’avenir, ni ne financerait des inspections de sites pour la mise
en place du CTBT; il a rejeté le protocole à la Convention sur les armes biologiques,
a rayé les fonds aux Programmes de réduction coopérative des
menaces et suspendu les négociations avec la Corée du Nord. De plus, des
membres du gouvernement Bush ont évoqué un retrait des forces de stabilisation
américaines des Balkans et du Sinaï.
A l’origine, les événements tragiques du 11 septembre 2001 ont semblé
marquer la fin de l’unilatéralisme extrême des neuf premiers mois du gouvernement
Bush : pendant l’automne 2001, les Etats-Unis ont commencé à
travailler en coopération avec d’autres pays, pour essayer d’assécher les ressources
financières du réseau Al Qaïda, ainsi que pour mettre en commun
un réseau d’informations qui permettrait aux Etats-Unis et aux autres pays
de prévenir des attentats terroristes en arrêtant les suspects; les Etats-Unis
ont également travaillé avec la communauté internationale afin de contribuer
à la reconstruction de l’Afghanistan et de créer une Force de stabilisation
internationale (ISAF), afin d’assurer la sécurité du gouvernement d’intérim
du Président Hamid Karzaï. Plusieurs pays ont fourni des forces militaires
à la campagne dirigée par les Etats-Unis contre les Talibans et Al
Qaïda en Afghanistan. Au total, à peu près 90 pays, dont les membres de
l’OTAN et de l’Union Européenne, ont coopéré avec les Etats-Unis. Dans
la campagne contre les Talibans en Afghanistan, onze pays européens ont
pris part aux opérations terrestres, dix aux missions aériennes, neuf aux
opérations navales.
Malheureusement, cette phase multilatérale fut de courte durée. Le Président
américain a brusquement changé de route dans son discours sur l’état
de l’Union : non seulement il ne fit pas mention de la contribution des
autres nations à la guerre, mais il étendit également la guerre contre le terrorisme
à la guerre contre le mal, désignant l’Iran, l’Iraq et la Corée du
Nord comme l’axe des Etats dangereux, sans consulter aucun de ses alliés –
ni même son propre Département d’Etat. De plus, dans les premiers mois
de l’année 2002, les Etats-Unis ont dénoncé le Traité ABM, retiré leur signature
du Traité créant la Cour Pénale Internationale et quitté la conférence
sur le protocole de la Convention des armes biologiques.
L’attitude actuelle du gouvernement Bush envers l’Europe, et le reste du
monde, trouve sa meilleure illustration dans deux documents préparés pour
le Congrès : l’examen de la posture nucléaire (Nuclear Posture Review,
NPR), et la Stratégie de sécurité nationale (National Security Strategy,
NSS).
La NPR, publiée au printemps 2002, indique que les Etats-Unis envisagent
de développer une nouvelle génération de petites armes nucléaires afin
de les utiliser contre des cibles souterraines renforcées ou des bunkers (auxproblèmes
de sécurité dans un nouvel ordre mondial 201
quels les terroristes ou les dirigeants d’« Etats-voyous » auraient éventuellement
recours pour se protéger), ainsi que contre leurs systèmes de commande
et de contrôle ou contre des armes chimiques ou biologiques. Cette
stratégie n’abaisserait pas seulement, potentiellement, le seuil d’emploi
d’armes nucléaires ; elle pourrait également nécessiter que les Etats-Unis
reprennent leurs essais nucléaires.
Le deuxième document, sur la Stratégie Nationale de Sécurité, publié à
la fin septembre 2002, contient deux affirmations : premièrement, les Etats-
Unis privilégieront désormais les frappes préventives plutôt que la dissuasion
pour traiter les menaces pesant contre leur sécurité; en second lieu, la
politique des Etats-Unis est à présent de conserver suffisamment de puissance
militaire pour qu’aucune nation (ou groupe de nations) ne puisse
jamais concurrencer sa domination militaire.
Réaction à l’unilatéralisme
du gouvernement Bush
Les Européens ont évidemment été déçus de ce que le gouvernement
Bush revienne si vite à son attitude d’avant le 11 septembre (3). Après tout,
dans la vague des attentats du 11 septembre 2001, le quotidien français Le
Monde avait proclamé : « nous sommes tous des Américains ». Et qui plus est,
dans les jours qui ont suivi les attentats, sous la pression de ses membres
européens, l’OTAN fit la démarche sans précédent d’invoquer l’article V du
Traité de l’Atlantique-Nord, faisant ainsi des attentats une attaque contre
l’Alliance entière et pas seulement contre les Etats-Unis.
Les Européens n’ont pas été les seuls à être déçus de ce retour rapide à
un unilatéralisme extrême. De nombreux Américains, à la fois à l’intérieur
du gouvernement, au sein de la communauté d’experts en politique étrangère
et dans le public informé, se sont alarmés de cette tendance (4). Ce
désaccord avec l’approche internationale du gouvernement Bush est apparu
au grand jour dans la manière dont le Président a traité avec l’Iraq. A l’intérieur
du gouvernement, les unilatéralistes, dirigés par les « faucons » du
Pentagone que sont le Secrétaire de la Défense Donald Rumsfeld, son
adjoint Paul Wolfowitz, ainsi que le sous-Secrétaire d’Etat pour l’arms
control John Bolton, ont reçu un soutien puissant à l’intérieur du gouvernement
en la personne du vice-Président Cheney. Surtout présents au Département
d’Etat, les multilatéralistes, incarnés par le Secrétaire d’Etat Colin
Powell et son adjoint Richard Armitage, ont trouvé un soutien au sein de
la plupart des civils et des militaires de carrière, ainsi que dans toute la
202 lawrence j. korb
(3) Cf. par exemple Harold Mueller, « Europe and the Axis of Evil », Center for International Trade and
Security, été 2002.
(4) Pour un bon débat sur les vues différant de l’approche internationale de Bush, cf. « Rumsfeld’s War
and Powell’s Battle », Newsweek, 16 septembre 2002, pp. 20-31.
bureaucratie de la Sécurité nationale. La Conseillère à la Sécurité nationale,
Condoleezza Rice, qu’on pensait être dans le camp de Powell dans les premiers
jours du gouvernement, s’est rapprochée de plus en plus de l’approche
unilatéraliste après le 11 septembre (5).
La plupart des experts en politique étrangère penchent pour la position
de Powell. Cela est devenu évident durant l’été 2002, quand Brent Scowcroft,
conseiller à la Sécurité nationale pour le Président George Bush et
mentor de C. Rice, ainsi que James Baker, le Secrétaire d’Etat du premier
Président (B3)Bush(B4), ont tous deux écrit des éditoriaux sommant le gouvernement
de travailler avec la communauté internationale sur le problème
de l’Iraq. Cette position fut soutenue par Richard Holbrooke, ambassadeur
aux Nations Unies sous Clinton et intellectuel Démocrate prépondérant en
politique étrangère.
Les unilatéralistes ont le soutien des vétérans néo-conservateurs du gouvernement
Reagan : ceux-ci incluent dans leurs rangs le Secrétaire à la
Défense de Reagan, Caspar Weinberger, son Secrétaire d’Etat, George
Schultz, Jeane Kirkpatrick, son ambassadrice à l’ONU, ainsi que Richard
Perle et Ken Adelman, membres délégués du cabinet sous Reagan.
Les experts en politique étrangère du Congrès, tant Républicains que
Démocrates, tels que les Sénateurs Richard Lugar (R-IN), Chuck Hagel (RNE)
et Joseph Biden (D-DE), soutiennent la position de Powell sur la collaboration
avec les alliés, particulièrement avec les Européens. Les membres
du Congrès venant du Sud, comme les Sénateurs Trent Lott (R-MS), John
Kyl (R-AZ) et Zell Miller (D-GA) et les élus de la Chambre comme Tom
Delay (R-TX), soutiennent fortement la position du « cavalier seul » de Cheney,
Rumsfeld, Wolfowitz en faveur d’une frappe préventive.
Il est intéressant de constater que la plupart des Américains sont proches
de la position de Powell. Une faible majorité d’Américains soutient une
action militaire contre l’Iraq. Ils sont moins de 50 % à approuver une
guerre contre l’Iraq sans l’autorisation des Nations Unies ni le soutien des
alliés des Etats-Unis.
Les « faucons » de la Défense ne sont pas unanimes dans leur soutien à
l’approche du gouvernement Bush envers les menaces à la sécurité des
Etats-Unis. Les doctrines de la primauté des frappes préventives mettent
mal à l’aise de nombreux partisans traditionnels de la ligne dure. Ces détracteurs,
tels John Mearsheimer, Steve Van Evra ou Barry Posen croient que
la première menace contre la sécurité des Etats-Unis est le réseau Al Qaïda.
En conséquence, ils se posent des questions sur l’idée de Bush d’étendre une
guerre contre Al Qaïda à une guerre contre toutes les organisations terroristes
– d’une portée mondiale –, jusqu’à une guerre contre le mal. Ils sont
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 203
(5) Nicholas Lehman, « Without a Doubt : How the White House Changed Condoleezza Rice », The New
Yorker, 14-21 octobre 2002, pp. 164-179.
préoccupés par le fait qu’une expansion unilatérale des objectifs de la guerre
ne fasse perdre à la campagne contre Al Qaïda son objectif et ne provoque
l’aliénation des gouvernements dont les Etats-Unis ont besoin pour éliminer
les cellules d’Al Qaïda. Ils craignent également que chercher à maintenir une
supériorité militaire unilatéralement ne conduise à une réaction d’autres
nations ou groupes de nations. Ces réalistes sont beaucoup plus proches
d’une perspective de l’équilibre du pouvoir à la Hans Morgenthau (6).
Causes et conséquences
Quelles sont les causes de cette divergence entre les vues européennes et
américaines sur la sécurité et quelles sont ses implications ? Est-ce un phénomène
permanent ou temporaire? Résulte-t-il des actes et des attitudes d’une
seule administration? Quelles en sont les conséquences à court et à long
terme pour les Etats-Unis, l’Europe, le reste du monde? Si un débat est en
cours aux Etats-Unis sur les menaces stratégiques, une autre interrogation
est soulevée sur le sens de la divergence.
Robert Kagan, du Carnegie Endowment, a la vision la plus pessimiste de
la différence entre les approches européennes et américaines des problèmes
de sécurité (7). Selon lui, sur la question essentielle de la puissance en politique
internationale, les perspectives américaines et européennes s’écartent,
mais cette divergence, loin d’être éphémère, ne vient pas de la politique de
l’Administration Bush : la distance entre l’Europe et les Etats-Unis quant
aux politiques étrangères et aux politiques de défense est permanente.
Kagan soutient que les factions en conflit de l’Administration Bush ont plus
de points communs que Powell n’en a avec ses homologues en France et en
Grande-Bretagne; quand il s’agit de recourir à la force, les Démocrates américains
ont plus de points communs avec les Républicains qu’avec les Socialistes
européens et les Sociaux-Démocrates.
L’origine de ces différences de culture stratégique ne se trouve aucunement
dans les caractères nationaux de chaque côté de l’Atlantique. Selon
Kagan, il existerait deux autres sources. Premièrement, les puissances respectives
de l’Europe et des Etats-Unis ont évolué : au XIXe siècle, les pays
européens étaient forts et les Etats-Unis relativement faibles ; désormais, les
rôles sont inversés. La seconde source est idéologique : à cause de l’expérience
historique unique de la période suivant la Seconde Guerre mondiale,
qui n’a pas été partagée par les Etats-Unis, l’Europe a développé un
ensemble d’idéaux sur le rôle et la moralité de la puissance différents de
ceux des Etats-Unis.
204 lawrence j. korb
(6) Pour une bonne exposition des vues des réalistes, cf. Nicholas Lehman, « The War on What : The
White House and the Debate About Whom to Fight Next », The New Yorker, 16 septembre 2002, pp. 36-44.
(7) Robert Kagan, « Power and Weakness ».
Kagan rejette l’argument de quelques Européens selon lequel le souci des
Américains d’une sécurité absolue serait excessif. Les Européens ont vécu
côte à côte avec le mal pendant des siècles, dit-il, et leur tolérance à certaines
menaces du type de celle posée par Saddam Hussein est plus grande.
Il avance que la tolérance accrue de l’Europe aux dangers est une nécessité
due à sa faiblesse relative. De plus, parce que l’Europe est faible, les « Etatsvoyous
» ne constituent pas pour elle une menace comparable à celle qui vise
les Etats-Unis. Selon lui, la raison principale de la divergence de vues entre
l’Europe et les Etats-Unis réside dans la détermination des Etats-Unis à
exercer leur pouvoir de façon unilatérale s’il le faut, ce qui constitue une
menace pour les conceptions européennes. Que les Etats-Unis exercent ainsi
leur puissance démontre de façon convaincante que les nouveaux idéaux de
l’Europe ne sont pas universels.
Robert Kagan conclut que chaque camp devrait faire des efforts pour
combler ce fossé : l’Europe pourrait augmenter ses capacités militaires et les
Etats-Unis pourraient montrer une compréhension plus grande des sensibilités
européennes ainsi que, globalement, une certaine générosité d’esprit. Il
espère qu’un début de compréhension pourra apporter beaucoup d’améliorations,
mais il ne croit pas que cela réglera les problèmes liés à l’Alliance
atlantique et – ce qui est plus important – il ne redoute pas les conséquences
de cet éloignement pour les Etats-Unis.
Les vues de Kagan ne font pas l’unanimité chez les autres analystes,
même aux Etats-Unis. Anatol Lieven, son collègue au Carnegie Endowment,
reconnaît que l’article de Kagan est une présentation intelligente et claire
de l’idéologie de l’Administration Bush, mais trouve celle-ci arrogante (8).
S’il est vrai que la position de l’Europe est influencée par sa relative faiblesse
militaire, il n’en découle pas que ses arguments soient faux. Alors que
les Etats-Unis s’interrogent sur ce qu’ils pourraient faire au Moyen-Orient
et dans le golfe Persique, ils pourraient bénéficier de l’expérience française
en Algérie et de celle des Anglais au Kenya : Lieven souligne ainsi que la
France s’est retirée de l’Algérie non parce qu’elle était trop faible pour la
garder, mais parce que les coûts humains, moraux et financiers de l’occupation
dépassaient de loin le profit que l’Algérie apportait à la France; de
même, les Britanniques ont pris une décision similaire après avoir écrasé la
révolte des Mau Mau au Kenya.
Lieven démontre également que l’image de Kagan d’un monde inspiré de
Hobbes, où un Etat s’oppose à un autre, n’est pas vraie pour la plus grande
partie du globe. De plus, dans les endroits où existent des Etats de type
hobbesien, les intérêts des Etats-Unis ne sont pas, en général, concernés. En
Asie de Sud, où ceux-ci sont profondément engagés, la situation a été maintenue
sous contrôle par un mélange de diplomatie américaine et européenne.
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 205
(8) Anatol Lieven, « The End of the West? », Prospect Magazine, septembre 2002.
Lieven remarque également que si l’Europe est incapable de fournir des
forces militaires pour combattre l’Iraq ou s’y refuse, les Etats-Unis ne pourront
réussir à destituer Saddam sans recourir aux bases aériennes et aux
droits de survol européens. En outre, en laissant les forces d’invasion des
Etats-Unis utiliser ces bases, l’Europe deviendrait la cible d’attentats terroristes
à venir.
Charles Kupchan, du Council on Foreign Relations, a pris position dans
le débat (9). Il affirme que les intérêts durables des Etats-Unis se trouveront
profondément grevés par ce désaccord. A long terme, selon lui, la suprématie
des Etats-Unis a bien moins de pérennité que ce que des gens comme
Kagan ne le pensent : elle commence même à diminuer. De plus, la concurrence
qui émerge face aux Etats-Unis n’est pas celle de la Chine, ni du
monde islamique, mais de l’Europe, plus particulièrement de l’Union européenne.
Au lieu de l’Europe faible décrite par Kagan, Kupchan voit une
Europe unie, en train de fédérer les ressources de ses Etats-membres; il prédit
que la production économique de l’Europe égalera bientôt celle des
Etats-Unis et que l’euro concurrencera le dollar. Il envisage aussi l’adoption
de politiques étrangères et de défense communes par l’Europe et la
construction des forces armées capable d’agir indépendamment des Etats-
Unis.
Pour Kupchan, l’Histoire a accompli un cercle : les treize colonies ont
rompu avec l’Empire britannique ; après qu’elles sont devenues un seul
pays, elles ont concentré assez de puissance pour éclipser l’Europe. Désormais,
l’Europe est en cours d’unification et se détachera d’une Amérique
avide de domination mondiale. Quand cela arrivera, l’Europe sera le concurrent
principal de la Pax Americana et l’Occident sera divisé.
Alors, quelle est la solution ? Premièrement, les Etats-Unis devraient tirer
profit de leur position actuelle pour créer un climat qui protégera leurs intérêts
à long terme. Comme le conclut Henry Kissinger dans son livre le plus
récent, Does America Need a Foreign Policy? (10) : « le défi ultime posé à
l’Amérique est de transposer son pouvoir sur le plan d’un consensus moral, qui
promouvrait ses valeurs, non en les imposant, mais en les faisant accepter librement,
dans un monde qui en dépit de sa résistance apparente a désespérément
besoin d’un guide éclairé ». Dans son nouveau livre The Paradox of American
Power : Why the World’s Only Superpower Can’t Go It Alone, Joseph Nye
affirme, comme Kupchan, que si les Etats-Unis détiennent actuellement une
puissance suprême, cette position est temporaire : les Etats-Unis devraient
saisir l’occasion offerte par ce moment d’unipolarité pour tisser un réseau
complexe d’alliances qui attacherait leurs intérêts au reste du monde (11).
206 lawrence j. korb
(9) Charles Kupchan, « The End of the West », The Atlantic Monthly, novembre 2002, pp. 42-44.
(10) Henry Kissinger, Does America Need a Foreign Policy : Toward a Diplomacy for the 21st Century,
Simon and Schuster, New York, 2001, p. 288.
(11) Cité par Lehman, « The War on What », p. 39.
En second lieu, les Etats-Unis devraient trouver un nouvel objectif pour
l’Alliance atlantique. Alors que l’OTAN et l’UE s’accroissent de la Baltique
à la mer Noire et que les relations entre la Russie et l’Occident s’améliorent,
l’Europe n’est plus menacée de l’intérieur. Néanmoins, comme le remarquent
Ronald Asmus et Kenneth Pollack, cela ne signifie pas que l’Europe
et l’Amérique soient en sécurité (12). L’Europe et les Etats-Unis doivent à
présent faire face à de nouvelles calamités, qu’Asmus et Pollack dénomment
« le terrorisme, les armes de destruction massive, les migrations de masses, les
Etats-voyous et faillis, et le danger de rupture des lignes économiques vitales
pour le monde ».
Au contraire de Kagan, qui pense que l’Europe ne sera pas la cible des
terroristes, Asmus et Pollack soulignent que l’on a des preuves de complots
terroristes antérieurs contre l’Europe par des groupes comme Al Qaïda. De
plus, alors que les Etats-Unis augmentent leur capacité à assurer la sécurité
de leur territoire, l’Europe n’en sera que plus menacée. Finalement, l’Europe
peut être plus facilement touchée que les Etats-Unis par un missile
balistique de moyenne portée venant d’un « Etat-voyou » du Moyen-Orient.
Asmus et Pollack soutiennent que la menace terroriste est concentrée dans
une zone géographique précise, qu’ils appellent le grand Moyen-Orient :
cette région s’étend de l’Afrique du Nord, de l’Egypte et d’Israël à l’Est,
traverse le golfe Persique jusqu’à l’Afghanistan et le Pakistan.
Afin de faire face à ce nouveau défi, les Etats-Unis et l’Europe ont besoin
d’une stratégie plus large qu’une campagne militaire contre un pays isolé
comme l’Iraq. Ils doivent travailler ensemble pour amener des changements
politiques et économiques dans toute la région, si cette opposition doit être
réduite comme l’a été celle de l’URSS et de ses alliés.
Asmus et Pollack formulent cinq suggestions précises pour mettre en
oeuvre cette nouvelle stratégie. D’abord, les alliés doivent maintenir leur
engagement à reconstruire la nation afghane. Ensuite, les Etats-Unis et
l’Europe doivent surmonter leurs différences et mener un effort plus déterminé
et soutenu pour traiter le conflit israélo-palestinien. En troisième lieu,
l’OTAN devrait amener un changement de régime en Iraq. En quatrième
lieu, les Etats-Unis et l’Europe doivent accélérer le processus d’évolution du
régime en cours en Iran. Finalement, ils devraient promouvoir un changement
de régime parmi les gouvernements autoritaires qui sont actuellement
leurs alliés et leurs amis.
De la même manière que ni les Etats-Unis ni l’Europe seuls n’auraient pu
contenir l’expansionnisme soviétique, aucun d’eux ne pourra traiter cette
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 207
(12) Ronald A. Asmus/Kenneth M. Pollack, « The New Transatlantic Project », Policy Review.
nouvelle menace commune de façon indépendante : ils ont triomphé de
l’Union soviétique grâce à une stratégie intégrée, politique, économique et
militaire ; ils n’ont pas de raison de ne pas agir de même face à la menace
terroriste.
208 lawrence j. korb
DANS UN NOUVEL ORDRE MONDIAL
par
Lawrence J. KORB (*)
Pendant la Guerre froide, les Etats-Unis et l’Europe considéraient que
l’expansionnisme de l’Union soviétique constituait la menace la plus importante
à leur paix et leur sécurité. Cette vue partagée sur la nécessité de
contenir l’URSS a permis au partenariat transatlantique de rester viable et
fort pendant près de cinquante ans. Néanmoins, cette convergence ne doit
pas occulter les différences profondes qui ont existé entre les Etats-Unis et
l’Europe, y compris sur la manière de contenir l’URSS. Durant les cinquante
années de la Guerre froide, ces différences se sont retrouvées dans
un certain nombre de domaines.
De nombreux gouvernements européens ont été en désaccord avec les
Etats-Unis sur des problèmes tels que la politique américaine envers la
Chine et Cuba, la guerre contre le Vietnam, la réticence des Etats-Unis à
partager la technologie des armes nucléaires avec les autres membres de
l’Alliance, les invasions américaines de la République Dominicaine en 1966
et de Grenade en 1983, le soutien aux Contras au Nicaragua et l’Initiative
de Défense Stratégique (IDS) du Président Reagan. Les Européens se sont
également posé la question de savoir si les Etats-Unis étaient prêts à risquer
l’anéantissement de villes américaines pour empêcher l’attaque des capitales
d’Europe de l’Ouest. Pour sa part, le gouvernement américain s’est opposé
à l’invasion franco-anglaise du Suez en 1956, à l’Ostpolitik allemande ou à
l’accord entre l’URSS et les gouvernements d’Europe de l’Ouest sur un
gazoduc entre la Russie et l’Europe occidentale. De plus, des proportions
importantes de la population, aux Etats-Unis comme en Europe, ont
approuvé les positions des gouvernements européens : ainsi, des milliers
d’Européens et d’Américains sont descendus dans la rue, dans leurs propres
pays, pour protester contre le rôle de l’Amérique dans la guerre du Vietnam,
ainsi que contre les projets du gouvernement Reagan pour introduire les
missiles Pershing et Cruise en Europe.
Les gouvernements européens n’ont cependant pas toujours été tous unanimes
sur ces problèmes. De manière générale, les Britanniques ont été plus
proches des Etats-Unis, tandis que les Français ont eu plus de difficultés
(*) Council on Foreign Relations (Washington).
avec certaines positions américaines. La France a d’ailleurs quitté la structure
militaire de l’OTAN en 1966 à cause de divergences avec les Etats-Unis
quant au rôle du désarmement nucléaire et du recours à la force. Quant aux
Allemands et aux pays plus petits, ils se sont habituellement rangés quelque
part entre les positions respectives de la France et de la Grande-Bretagne.
Dans la première décennie qui a suivi la fin de la Guerre froide, il est
apparu que les Etats-Unis et l’Europe avaient des vues différentes sur les
principaux problèmes de sécurité concernant l’Occident, ainsi que sur la
manière de les traiter. Les Etats-Unis pensaient que ces problèmes proviendraient
des « Etats-voyous », c’est-à-dire l’Iran, l’Iraq, la Syrie, la Libye,
Cuba et la Corée du Nord et, afin d’y remédier, ont développé une stratégie
de double containment régional (MRC) et maintenu un budget élevé de
dépenses militaires : ainsi, pendant les années 1990, les dépenses des Etats-
Unis pour la défense se sont élevées, en termes réels, à 85 % de leur niveau
de la Guerre froide et le Président Clinton a quitté ses fonctions avec un
budget de la défense dépassant en termes réels celui des Présidents Nixon,
Ford ou Carter.
Les Européens croyaient quant à eux que le principal problème de sécurité
venait d’Etats « faillis » comme la Yougoslavie et de désastres humanitaires
comme ceux qu’a connus le Rwanda. En conséquence, ils ont regimbé
contre la mauvaise volonté des Etats-Unis de s’impliquer dans ces situations
et contre la réticence américaine à voir les Nations Unies prendre des
mesures appropriées. En 1995, la passivité des Etats-Unis a rendu le Président
Jacques Chirac tellement amer qu’il déclara que le poste de dirigeant
mondial était vacant. Alors que le budget militaire des Etats-Unis est resté
approximativement à un niveau de Guerre froide, les gouvernements européens
ont laissé chuter leurs dépenses dans ce secteur : à la fin des
années 1990, le budget de la défense aux Etats-Unis représentait environ le
double des budgets de tous les gouvernements européens réunis.
Néanmoins, dans cette première décennie post-Guerre froide, les Etats-
Unis et l’Europe ont relativement bien travaillé pour gérer les crises internationales.
Pendant le printemps et l’été 1995, quand les Serbes ont pris en
otage des soldats des Nations Unies et ont commis des atrocités contre les
civils à Srebrenica, Américains et Européens ont agi ensemble pour créer la
force militaire (IFOR puis SFOR) qui est intervenue en Bosnie. Au demeurant,
les Européens ont fourni plus de personnel militaire à l’IFOR et à la
SFOR que les Etats-Unis.
De la même manière, les Etats-Unis et l’Europe ont travaillé ensemble à
l’élargissement de l’OTAN en admettant trois pays en 1999 (Hongrie,
Pologne et République Tchèque). En mars 1999, l’OTAN a mené avec
succès une campagne aérienne qui a empêché les Serbes de procéder au nettoyage
ethnique du Kosovo, puis a envoyé une force terrestre (KFOR) pour
protéger cette province : si les Etats-Unis ont joué un rôle prépondérant
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 199
dans la guerre aérienne contre le Kosovo, les Européens ont fourni la plupart
des forces terrestres qui stationnent encore dans la zone et ont en outre
assumé la responsabilité d’assurer la sécurité des secteurs les plus dangereux
du Kosovo.
Le gouvernement Bush et l’Europe
Depuis l’arrivée du gouvernement Bush à Washington, les relations entre
l’Europe et les Etats-Unis se sont détériorées rapidement. Robert Kagan,
défenseur de la politique étrangère du gouvernement Bush (1), a souligné
combien, dès qu’il s’agissait de traiter avec l’Europe, le gouvernement faisait
preuve d’une grande susceptibilité. La vraie question est de savoir si la
détérioration des relations américano-européennes est le fruit de l’attitude
et des actions d’un gouvernement particulier ou si elle est le résultat d’une
divergence profonde entre les deux côtés de l’Atlantique quant au moyen de
faire face aux menaces actuelles contre la sécurité.
Les relations entre le gouvernement Bush et l’Europe peuvent être divisées
en trois phases : la première a duré de l’entrée en fonction de Bush en
janvier 2001 aux événements tragiques du 11 septembre de la même année;
la deuxième s’étend du 11 septembre à la fin 2001; la troisième a débuté en
2002 et dure encore.
Durant la première phase, le message du gouvernement Bush était : « vous
avez besoin de nous, plus que nous n’avons besoin de vous » (2). L’idée qui en
découlait était que les Etats-Unis ne poursuivraient que leurs intérêts
propres : si les Européens voulaient se joindre à eux, les Etats-Unis continueraient
à faire ce qu’ils avaient à faire de façon multilatérale. Richard
Haas, le directeur du Policy Planning, a dénommé cette approche « le multilatéralisme
à la carte ». Les Etats-Unis ont par ailleurs averti les Européens
que s’ils ne pensaient pas comme eux, eux continueraient d’agir seuls,
sachant qu’ils possèdent suffisamment de puissance économique et militaire
pour atteindre des objectifs de façon unilatérale.
Pendant cette première phase, le gouvernement Bush a rejeté cinq traités
dans plusieurs domaines : du réchauffement de la planète au trafic mondial
d’armes légères, en passant par le projet de Cour Pénale Internationale. De
plus, il a mis à mal, mis de côté, bloqué, voire sapé plusieurs initiatives dans
le domaine du désarmement et de l’arms control. Ainsi, le nouveau Président
ne s’est pas contenté de montrer qu’il chercherait à développer un système
robuste de missiles balistiques de défense, sans se soucier des contraintes du
Traité ABM ni des traités sur l’espace : il a aussi affirmé qu’il ne soumet-
200 lawrence j. korb
(1) Robert Kagan, « Power and Weakness », Policy Review, juin-juillet 2002, pp. 3-28.
(2) Pour une analyse complète de cette citation, cf. Lawrence J. Korb/Alex Tiersky, « The End of Unilateralism?
Arms Control after September 11 », Arms Control Today, octobre 2001, pp. 3-7.
trait pas le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBT) au
Sénat pour ratification, qu’il ne s’engagerait pas à ne plus conduire d’essais
nucléaires à l’avenir, ni ne financerait des inspections de sites pour la mise
en place du CTBT; il a rejeté le protocole à la Convention sur les armes biologiques,
a rayé les fonds aux Programmes de réduction coopérative des
menaces et suspendu les négociations avec la Corée du Nord. De plus, des
membres du gouvernement Bush ont évoqué un retrait des forces de stabilisation
américaines des Balkans et du Sinaï.
A l’origine, les événements tragiques du 11 septembre 2001 ont semblé
marquer la fin de l’unilatéralisme extrême des neuf premiers mois du gouvernement
Bush : pendant l’automne 2001, les Etats-Unis ont commencé à
travailler en coopération avec d’autres pays, pour essayer d’assécher les ressources
financières du réseau Al Qaïda, ainsi que pour mettre en commun
un réseau d’informations qui permettrait aux Etats-Unis et aux autres pays
de prévenir des attentats terroristes en arrêtant les suspects; les Etats-Unis
ont également travaillé avec la communauté internationale afin de contribuer
à la reconstruction de l’Afghanistan et de créer une Force de stabilisation
internationale (ISAF), afin d’assurer la sécurité du gouvernement d’intérim
du Président Hamid Karzaï. Plusieurs pays ont fourni des forces militaires
à la campagne dirigée par les Etats-Unis contre les Talibans et Al
Qaïda en Afghanistan. Au total, à peu près 90 pays, dont les membres de
l’OTAN et de l’Union Européenne, ont coopéré avec les Etats-Unis. Dans
la campagne contre les Talibans en Afghanistan, onze pays européens ont
pris part aux opérations terrestres, dix aux missions aériennes, neuf aux
opérations navales.
Malheureusement, cette phase multilatérale fut de courte durée. Le Président
américain a brusquement changé de route dans son discours sur l’état
de l’Union : non seulement il ne fit pas mention de la contribution des
autres nations à la guerre, mais il étendit également la guerre contre le terrorisme
à la guerre contre le mal, désignant l’Iran, l’Iraq et la Corée du
Nord comme l’axe des Etats dangereux, sans consulter aucun de ses alliés –
ni même son propre Département d’Etat. De plus, dans les premiers mois
de l’année 2002, les Etats-Unis ont dénoncé le Traité ABM, retiré leur signature
du Traité créant la Cour Pénale Internationale et quitté la conférence
sur le protocole de la Convention des armes biologiques.
L’attitude actuelle du gouvernement Bush envers l’Europe, et le reste du
monde, trouve sa meilleure illustration dans deux documents préparés pour
le Congrès : l’examen de la posture nucléaire (Nuclear Posture Review,
NPR), et la Stratégie de sécurité nationale (National Security Strategy,
NSS).
La NPR, publiée au printemps 2002, indique que les Etats-Unis envisagent
de développer une nouvelle génération de petites armes nucléaires afin
de les utiliser contre des cibles souterraines renforcées ou des bunkers (auxproblèmes
de sécurité dans un nouvel ordre mondial 201
quels les terroristes ou les dirigeants d’« Etats-voyous » auraient éventuellement
recours pour se protéger), ainsi que contre leurs systèmes de commande
et de contrôle ou contre des armes chimiques ou biologiques. Cette
stratégie n’abaisserait pas seulement, potentiellement, le seuil d’emploi
d’armes nucléaires ; elle pourrait également nécessiter que les Etats-Unis
reprennent leurs essais nucléaires.
Le deuxième document, sur la Stratégie Nationale de Sécurité, publié à
la fin septembre 2002, contient deux affirmations : premièrement, les Etats-
Unis privilégieront désormais les frappes préventives plutôt que la dissuasion
pour traiter les menaces pesant contre leur sécurité; en second lieu, la
politique des Etats-Unis est à présent de conserver suffisamment de puissance
militaire pour qu’aucune nation (ou groupe de nations) ne puisse
jamais concurrencer sa domination militaire.
Réaction à l’unilatéralisme
du gouvernement Bush
Les Européens ont évidemment été déçus de ce que le gouvernement
Bush revienne si vite à son attitude d’avant le 11 septembre (3). Après tout,
dans la vague des attentats du 11 septembre 2001, le quotidien français Le
Monde avait proclamé : « nous sommes tous des Américains ». Et qui plus est,
dans les jours qui ont suivi les attentats, sous la pression de ses membres
européens, l’OTAN fit la démarche sans précédent d’invoquer l’article V du
Traité de l’Atlantique-Nord, faisant ainsi des attentats une attaque contre
l’Alliance entière et pas seulement contre les Etats-Unis.
Les Européens n’ont pas été les seuls à être déçus de ce retour rapide à
un unilatéralisme extrême. De nombreux Américains, à la fois à l’intérieur
du gouvernement, au sein de la communauté d’experts en politique étrangère
et dans le public informé, se sont alarmés de cette tendance (4). Ce
désaccord avec l’approche internationale du gouvernement Bush est apparu
au grand jour dans la manière dont le Président a traité avec l’Iraq. A l’intérieur
du gouvernement, les unilatéralistes, dirigés par les « faucons » du
Pentagone que sont le Secrétaire de la Défense Donald Rumsfeld, son
adjoint Paul Wolfowitz, ainsi que le sous-Secrétaire d’Etat pour l’arms
control John Bolton, ont reçu un soutien puissant à l’intérieur du gouvernement
en la personne du vice-Président Cheney. Surtout présents au Département
d’Etat, les multilatéralistes, incarnés par le Secrétaire d’Etat Colin
Powell et son adjoint Richard Armitage, ont trouvé un soutien au sein de
la plupart des civils et des militaires de carrière, ainsi que dans toute la
202 lawrence j. korb
(3) Cf. par exemple Harold Mueller, « Europe and the Axis of Evil », Center for International Trade and
Security, été 2002.
(4) Pour un bon débat sur les vues différant de l’approche internationale de Bush, cf. « Rumsfeld’s War
and Powell’s Battle », Newsweek, 16 septembre 2002, pp. 20-31.
bureaucratie de la Sécurité nationale. La Conseillère à la Sécurité nationale,
Condoleezza Rice, qu’on pensait être dans le camp de Powell dans les premiers
jours du gouvernement, s’est rapprochée de plus en plus de l’approche
unilatéraliste après le 11 septembre (5).
La plupart des experts en politique étrangère penchent pour la position
de Powell. Cela est devenu évident durant l’été 2002, quand Brent Scowcroft,
conseiller à la Sécurité nationale pour le Président George Bush et
mentor de C. Rice, ainsi que James Baker, le Secrétaire d’Etat du premier
Président (B3)Bush(B4), ont tous deux écrit des éditoriaux sommant le gouvernement
de travailler avec la communauté internationale sur le problème
de l’Iraq. Cette position fut soutenue par Richard Holbrooke, ambassadeur
aux Nations Unies sous Clinton et intellectuel Démocrate prépondérant en
politique étrangère.
Les unilatéralistes ont le soutien des vétérans néo-conservateurs du gouvernement
Reagan : ceux-ci incluent dans leurs rangs le Secrétaire à la
Défense de Reagan, Caspar Weinberger, son Secrétaire d’Etat, George
Schultz, Jeane Kirkpatrick, son ambassadrice à l’ONU, ainsi que Richard
Perle et Ken Adelman, membres délégués du cabinet sous Reagan.
Les experts en politique étrangère du Congrès, tant Républicains que
Démocrates, tels que les Sénateurs Richard Lugar (R-IN), Chuck Hagel (RNE)
et Joseph Biden (D-DE), soutiennent la position de Powell sur la collaboration
avec les alliés, particulièrement avec les Européens. Les membres
du Congrès venant du Sud, comme les Sénateurs Trent Lott (R-MS), John
Kyl (R-AZ) et Zell Miller (D-GA) et les élus de la Chambre comme Tom
Delay (R-TX), soutiennent fortement la position du « cavalier seul » de Cheney,
Rumsfeld, Wolfowitz en faveur d’une frappe préventive.
Il est intéressant de constater que la plupart des Américains sont proches
de la position de Powell. Une faible majorité d’Américains soutient une
action militaire contre l’Iraq. Ils sont moins de 50 % à approuver une
guerre contre l’Iraq sans l’autorisation des Nations Unies ni le soutien des
alliés des Etats-Unis.
Les « faucons » de la Défense ne sont pas unanimes dans leur soutien à
l’approche du gouvernement Bush envers les menaces à la sécurité des
Etats-Unis. Les doctrines de la primauté des frappes préventives mettent
mal à l’aise de nombreux partisans traditionnels de la ligne dure. Ces détracteurs,
tels John Mearsheimer, Steve Van Evra ou Barry Posen croient que
la première menace contre la sécurité des Etats-Unis est le réseau Al Qaïda.
En conséquence, ils se posent des questions sur l’idée de Bush d’étendre une
guerre contre Al Qaïda à une guerre contre toutes les organisations terroristes
– d’une portée mondiale –, jusqu’à une guerre contre le mal. Ils sont
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 203
(5) Nicholas Lehman, « Without a Doubt : How the White House Changed Condoleezza Rice », The New
Yorker, 14-21 octobre 2002, pp. 164-179.
préoccupés par le fait qu’une expansion unilatérale des objectifs de la guerre
ne fasse perdre à la campagne contre Al Qaïda son objectif et ne provoque
l’aliénation des gouvernements dont les Etats-Unis ont besoin pour éliminer
les cellules d’Al Qaïda. Ils craignent également que chercher à maintenir une
supériorité militaire unilatéralement ne conduise à une réaction d’autres
nations ou groupes de nations. Ces réalistes sont beaucoup plus proches
d’une perspective de l’équilibre du pouvoir à la Hans Morgenthau (6).
Causes et conséquences
Quelles sont les causes de cette divergence entre les vues européennes et
américaines sur la sécurité et quelles sont ses implications ? Est-ce un phénomène
permanent ou temporaire? Résulte-t-il des actes et des attitudes d’une
seule administration? Quelles en sont les conséquences à court et à long
terme pour les Etats-Unis, l’Europe, le reste du monde? Si un débat est en
cours aux Etats-Unis sur les menaces stratégiques, une autre interrogation
est soulevée sur le sens de la divergence.
Robert Kagan, du Carnegie Endowment, a la vision la plus pessimiste de
la différence entre les approches européennes et américaines des problèmes
de sécurité (7). Selon lui, sur la question essentielle de la puissance en politique
internationale, les perspectives américaines et européennes s’écartent,
mais cette divergence, loin d’être éphémère, ne vient pas de la politique de
l’Administration Bush : la distance entre l’Europe et les Etats-Unis quant
aux politiques étrangères et aux politiques de défense est permanente.
Kagan soutient que les factions en conflit de l’Administration Bush ont plus
de points communs que Powell n’en a avec ses homologues en France et en
Grande-Bretagne; quand il s’agit de recourir à la force, les Démocrates américains
ont plus de points communs avec les Républicains qu’avec les Socialistes
européens et les Sociaux-Démocrates.
L’origine de ces différences de culture stratégique ne se trouve aucunement
dans les caractères nationaux de chaque côté de l’Atlantique. Selon
Kagan, il existerait deux autres sources. Premièrement, les puissances respectives
de l’Europe et des Etats-Unis ont évolué : au XIXe siècle, les pays
européens étaient forts et les Etats-Unis relativement faibles ; désormais, les
rôles sont inversés. La seconde source est idéologique : à cause de l’expérience
historique unique de la période suivant la Seconde Guerre mondiale,
qui n’a pas été partagée par les Etats-Unis, l’Europe a développé un
ensemble d’idéaux sur le rôle et la moralité de la puissance différents de
ceux des Etats-Unis.
204 lawrence j. korb
(6) Pour une bonne exposition des vues des réalistes, cf. Nicholas Lehman, « The War on What : The
White House and the Debate About Whom to Fight Next », The New Yorker, 16 septembre 2002, pp. 36-44.
(7) Robert Kagan, « Power and Weakness ».
Kagan rejette l’argument de quelques Européens selon lequel le souci des
Américains d’une sécurité absolue serait excessif. Les Européens ont vécu
côte à côte avec le mal pendant des siècles, dit-il, et leur tolérance à certaines
menaces du type de celle posée par Saddam Hussein est plus grande.
Il avance que la tolérance accrue de l’Europe aux dangers est une nécessité
due à sa faiblesse relative. De plus, parce que l’Europe est faible, les « Etatsvoyous
» ne constituent pas pour elle une menace comparable à celle qui vise
les Etats-Unis. Selon lui, la raison principale de la divergence de vues entre
l’Europe et les Etats-Unis réside dans la détermination des Etats-Unis à
exercer leur pouvoir de façon unilatérale s’il le faut, ce qui constitue une
menace pour les conceptions européennes. Que les Etats-Unis exercent ainsi
leur puissance démontre de façon convaincante que les nouveaux idéaux de
l’Europe ne sont pas universels.
Robert Kagan conclut que chaque camp devrait faire des efforts pour
combler ce fossé : l’Europe pourrait augmenter ses capacités militaires et les
Etats-Unis pourraient montrer une compréhension plus grande des sensibilités
européennes ainsi que, globalement, une certaine générosité d’esprit. Il
espère qu’un début de compréhension pourra apporter beaucoup d’améliorations,
mais il ne croit pas que cela réglera les problèmes liés à l’Alliance
atlantique et – ce qui est plus important – il ne redoute pas les conséquences
de cet éloignement pour les Etats-Unis.
Les vues de Kagan ne font pas l’unanimité chez les autres analystes,
même aux Etats-Unis. Anatol Lieven, son collègue au Carnegie Endowment,
reconnaît que l’article de Kagan est une présentation intelligente et claire
de l’idéologie de l’Administration Bush, mais trouve celle-ci arrogante (8).
S’il est vrai que la position de l’Europe est influencée par sa relative faiblesse
militaire, il n’en découle pas que ses arguments soient faux. Alors que
les Etats-Unis s’interrogent sur ce qu’ils pourraient faire au Moyen-Orient
et dans le golfe Persique, ils pourraient bénéficier de l’expérience française
en Algérie et de celle des Anglais au Kenya : Lieven souligne ainsi que la
France s’est retirée de l’Algérie non parce qu’elle était trop faible pour la
garder, mais parce que les coûts humains, moraux et financiers de l’occupation
dépassaient de loin le profit que l’Algérie apportait à la France; de
même, les Britanniques ont pris une décision similaire après avoir écrasé la
révolte des Mau Mau au Kenya.
Lieven démontre également que l’image de Kagan d’un monde inspiré de
Hobbes, où un Etat s’oppose à un autre, n’est pas vraie pour la plus grande
partie du globe. De plus, dans les endroits où existent des Etats de type
hobbesien, les intérêts des Etats-Unis ne sont pas, en général, concernés. En
Asie de Sud, où ceux-ci sont profondément engagés, la situation a été maintenue
sous contrôle par un mélange de diplomatie américaine et européenne.
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 205
(8) Anatol Lieven, « The End of the West? », Prospect Magazine, septembre 2002.
Lieven remarque également que si l’Europe est incapable de fournir des
forces militaires pour combattre l’Iraq ou s’y refuse, les Etats-Unis ne pourront
réussir à destituer Saddam sans recourir aux bases aériennes et aux
droits de survol européens. En outre, en laissant les forces d’invasion des
Etats-Unis utiliser ces bases, l’Europe deviendrait la cible d’attentats terroristes
à venir.
Charles Kupchan, du Council on Foreign Relations, a pris position dans
le débat (9). Il affirme que les intérêts durables des Etats-Unis se trouveront
profondément grevés par ce désaccord. A long terme, selon lui, la suprématie
des Etats-Unis a bien moins de pérennité que ce que des gens comme
Kagan ne le pensent : elle commence même à diminuer. De plus, la concurrence
qui émerge face aux Etats-Unis n’est pas celle de la Chine, ni du
monde islamique, mais de l’Europe, plus particulièrement de l’Union européenne.
Au lieu de l’Europe faible décrite par Kagan, Kupchan voit une
Europe unie, en train de fédérer les ressources de ses Etats-membres; il prédit
que la production économique de l’Europe égalera bientôt celle des
Etats-Unis et que l’euro concurrencera le dollar. Il envisage aussi l’adoption
de politiques étrangères et de défense communes par l’Europe et la
construction des forces armées capable d’agir indépendamment des Etats-
Unis.
Pour Kupchan, l’Histoire a accompli un cercle : les treize colonies ont
rompu avec l’Empire britannique ; après qu’elles sont devenues un seul
pays, elles ont concentré assez de puissance pour éclipser l’Europe. Désormais,
l’Europe est en cours d’unification et se détachera d’une Amérique
avide de domination mondiale. Quand cela arrivera, l’Europe sera le concurrent
principal de la Pax Americana et l’Occident sera divisé.
Alors, quelle est la solution ? Premièrement, les Etats-Unis devraient tirer
profit de leur position actuelle pour créer un climat qui protégera leurs intérêts
à long terme. Comme le conclut Henry Kissinger dans son livre le plus
récent, Does America Need a Foreign Policy? (10) : « le défi ultime posé à
l’Amérique est de transposer son pouvoir sur le plan d’un consensus moral, qui
promouvrait ses valeurs, non en les imposant, mais en les faisant accepter librement,
dans un monde qui en dépit de sa résistance apparente a désespérément
besoin d’un guide éclairé ». Dans son nouveau livre The Paradox of American
Power : Why the World’s Only Superpower Can’t Go It Alone, Joseph Nye
affirme, comme Kupchan, que si les Etats-Unis détiennent actuellement une
puissance suprême, cette position est temporaire : les Etats-Unis devraient
saisir l’occasion offerte par ce moment d’unipolarité pour tisser un réseau
complexe d’alliances qui attacherait leurs intérêts au reste du monde (11).
206 lawrence j. korb
(9) Charles Kupchan, « The End of the West », The Atlantic Monthly, novembre 2002, pp. 42-44.
(10) Henry Kissinger, Does America Need a Foreign Policy : Toward a Diplomacy for the 21st Century,
Simon and Schuster, New York, 2001, p. 288.
(11) Cité par Lehman, « The War on What », p. 39.
En second lieu, les Etats-Unis devraient trouver un nouvel objectif pour
l’Alliance atlantique. Alors que l’OTAN et l’UE s’accroissent de la Baltique
à la mer Noire et que les relations entre la Russie et l’Occident s’améliorent,
l’Europe n’est plus menacée de l’intérieur. Néanmoins, comme le remarquent
Ronald Asmus et Kenneth Pollack, cela ne signifie pas que l’Europe
et l’Amérique soient en sécurité (12). L’Europe et les Etats-Unis doivent à
présent faire face à de nouvelles calamités, qu’Asmus et Pollack dénomment
« le terrorisme, les armes de destruction massive, les migrations de masses, les
Etats-voyous et faillis, et le danger de rupture des lignes économiques vitales
pour le monde ».
Au contraire de Kagan, qui pense que l’Europe ne sera pas la cible des
terroristes, Asmus et Pollack soulignent que l’on a des preuves de complots
terroristes antérieurs contre l’Europe par des groupes comme Al Qaïda. De
plus, alors que les Etats-Unis augmentent leur capacité à assurer la sécurité
de leur territoire, l’Europe n’en sera que plus menacée. Finalement, l’Europe
peut être plus facilement touchée que les Etats-Unis par un missile
balistique de moyenne portée venant d’un « Etat-voyou » du Moyen-Orient.
Asmus et Pollack soutiennent que la menace terroriste est concentrée dans
une zone géographique précise, qu’ils appellent le grand Moyen-Orient :
cette région s’étend de l’Afrique du Nord, de l’Egypte et d’Israël à l’Est,
traverse le golfe Persique jusqu’à l’Afghanistan et le Pakistan.
Afin de faire face à ce nouveau défi, les Etats-Unis et l’Europe ont besoin
d’une stratégie plus large qu’une campagne militaire contre un pays isolé
comme l’Iraq. Ils doivent travailler ensemble pour amener des changements
politiques et économiques dans toute la région, si cette opposition doit être
réduite comme l’a été celle de l’URSS et de ses alliés.
Asmus et Pollack formulent cinq suggestions précises pour mettre en
oeuvre cette nouvelle stratégie. D’abord, les alliés doivent maintenir leur
engagement à reconstruire la nation afghane. Ensuite, les Etats-Unis et
l’Europe doivent surmonter leurs différences et mener un effort plus déterminé
et soutenu pour traiter le conflit israélo-palestinien. En troisième lieu,
l’OTAN devrait amener un changement de régime en Iraq. En quatrième
lieu, les Etats-Unis et l’Europe doivent accélérer le processus d’évolution du
régime en cours en Iran. Finalement, ils devraient promouvoir un changement
de régime parmi les gouvernements autoritaires qui sont actuellement
leurs alliés et leurs amis.
De la même manière que ni les Etats-Unis ni l’Europe seuls n’auraient pu
contenir l’expansionnisme soviétique, aucun d’eux ne pourra traiter cette
problèmes de sécurité dans un nouvel ordre mondial 207
(12) Ronald A. Asmus/Kenneth M. Pollack, « The New Transatlantic Project », Policy Review.
nouvelle menace commune de façon indépendante : ils ont triomphé de
l’Union soviétique grâce à une stratégie intégrée, politique, économique et
militaire ; ils n’ont pas de raison de ne pas agir de même face à la menace
terroriste.
208 lawrence j. korb
Bonjour c'est simple tu ouvre ton msn la derniere ligne, tu tape msn.fr recherche sur le web ensuite tu clic sur hotmail sur la colonne de gauche inscrivez vous tu tu ouvre un autre compte.
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oui mais moi ej veus pas changer mon msn ou alor j'aimerai en moin récuperer mais adress qui se trouve sur se compte
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Et bien tu les copie des adresses sur un document tu ne les pers pas!!!
BONJOUR g un problème quand je veux me connecter a ma page msn le code d'erreur 80048821S4AFFICHE ET DONC JE NE PEU PLUS ME SERVIR DE MSN .AIDEZ MOI S4IL VOUS PLAIT!
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salut
fait une mise a jour d'msn ici : http://status.messenger.msn.com/Help/Upgrades.aspx?mkt=fr-fr
fait une mise a jour d'msn ici : http://status.messenger.msn.com/Help/Upgrades.aspx?mkt=fr-fr